- Et il en va de même pour les enceintes et les casques, bien sûr. Il est crucial pour moi de ressentir qu´aucune partie du spectre n'est privilégiée au détriment des autres et que le son est aussi riche et détaillé que possible», poursuit-il.
Duisburg, Allemagne, automne 2013. Au petit matin, un train s´élance vers la France. Alors que le soleil se lève sur la campagne allemande, Boris de Larochelambert se repose après un concert intense au cours duquel il a interprété plusieurs trios, de Buxtehude à Liszt. Il prend le temps de nous faire part de son point de
vue sur le son, la musique classique, le rythme, l´acoustique et le bon son.
Plus le compositeur est génial, plus c´est difficile
Dans une interview précédente, nous avons pu lire que Bach était l'un des compositeur les plus difficiles à interpréter. Boris de Larochelambert, pianiste du trio classique français Trio Chausson, nous propose une réponse axée sur les grands compositeurs, bien que ne mentionnant pas Bach, à un niveau plus global.
- Les plus grands compositeurs sont toujours les plus difficiles à jouer parce que leur langage requiert une maitrise absolue de l´environnement culturel, des influences et du processus d´intégration de tous ces paramètres dans un travail parfaitement élaboré et très personnel. Je pense à Beethoven et Brahms, évidemment.
C´est un choix difficile pour lui car „toutes les époques de la musique nous parlent“ affirme-t-il. Mais s´il nous fallait choisir quelques compositeurs, il s´agirait de géants comme Haydn, Beethoven, Brahms, Chausson – bien sûr- et Ravel. Parce qu´ils sont parvenus à combiner des structures très élaborées à un très haut niveau d´inspiration.
A la recherche de l´adrénaline!
- Les compositeurs contemporains constituent toujours un défi. Pascal Dusapin, par exemple, a écrit un trio extrêmement complexe et rapide qui est toujours un grand plaisir à interpréter parce qu´il vous faut une bonne dose d adrénaline pour en venir à bout!
D´autres trios sont si riches sur le plan émotionnel qu´il est préférable de ne pas les jouer trop souvent afin de pouvoir refaire le plein d'émotions, comme c'est le cas pour Chausson. Philippe Talec (violon, Antoine Landowski (violoncelle), et Boris de Larochelambert (piano) se sont rencontrés au Conservatoire de Paris et ont créé le Trio Chausson en 2001.
Selon Boris de Larochelambert, les voyages et les musiciens qu´ils ont rencontré ont été une vraie source d´inspiration, notamment lors de leurs séjours en Allemagne et en Autriche, ce qui semble normal au regard de leur répertoire dont une grand partie est originaire de ces pays.
Beethoven et Bartók sont modernes
Depuis sa création, le Trio Chausson a aussi tenté d´interpréter de la musique moderne ou rythmique. Des transitions en concernant associant jazz/pop et la musique classique pour trio. Ce qui semble être une expérience amusante car les trois musiciens reconnaissent aimer s'essayer au rock ou, « très modestement »
comme ils le soulignent, au jazz.
Selon Boris de Larochelambert, l´improvisation constitue une bonne entrée en matière pour les répétitions parce que cela « nous connecte instantanément ». Les artistes modernes et "rythmiques" les inspirent aussi:
- En fait, il est difficile de ne pas l´être, parce que nous retrouvons des éléments rythmiques très groovy chez Beethoven par exemple. Et encore plus chez Bartók, dont nous avons transcrit quelques oeuvres. Il est important pour notre travail de ressentir la force rythmique de ces compositeurs comme un précurseur de ce qui a été écrit par la suite. Au siècle de Beethoven, l´énergie rythmique avait bien sûr une signification différente et d´autres paramètres contribuent à un certain impact, tels que l´harmonie ou la tension dramatique.
Boîtes à chaussures et églises
Boris de Larochelambert apprécie les bons enregistrements et leur capacité à transformer l´énergie électrique en d´exquises fréquences et en une acoustique riche et détaillée. Un mauvais son peut ruiner une interprétation. Et bien sûr, l´acoustique en général est un élément important pour le trio classique, en studio ou en
concert:
- C´est une question d´équilibre de couleurs et de nuances pour nous. Nous apprécions une légère réverbération, donc les meilleures salles pour nous sont celles en bois (comme le Kuhmo Concert Hall en Finlande) ou les salles en forme de « boîte à chaussures » comme la Brahms Saal du Musikverein de Vienne, où aucun écho n'est perceptible mais qui n´est en même temps pas « sèche », explique Boris de Larochelambert.
- Ces endroits nous permettent de jouer sans devoir changer l'équilibre entre instruments, de retrouver le naturel des répétitions. Les églises apportant trop de réverbération, parfois 6 ou 7 secondes, sont assez difficiles à gérer parce qu´elles nous forcent à modifier le tempo, l´articulation et facilitent pas les brusques changements dynamiques… Mais elles sont assez rares et un concert dans une église est en général une bonne expérience.
La musique classique en 2013
Mener un trio classique au sein de l´industrie musicale en 2013 est une affaire complexe:
- La situation est différente selon que vous jouez dans un trio de piano, un quatuor ou encore seul. Nous avons de la chance de posséder un répertoire propre, d'environ 80 œuvres aujourd´hui, qui reflète notre personnalité (les transcriptions en particulier). Cela nous permet de jouer et d´enregistrer selon nos désirs.
Bientôt des enregistrements de Haydn
Le Trio Chausson est très occupé. Depuis la dernière Folle Journée à Nantes et la création du Triple Concerto de Chausson – une magnifique transcription du Concert op.21 écrite pour eux par Mathieu Lamboley – le trio a lancé plusieurs projets de triple concertos: ils joueront par exemple 4 fois celui de Beethoven en Allemagne en juin, 4 fois celui de Chausson à Paris, Clermont, Rouen, Istambul, etc.
- Cette perspective est très intéressante pour nous. Travailler sur de longues périodes avec un même chef tel que Roberto Fores également. En ce moment, nous préparons un enregistrement de Haydn après qui sera l'aboutissement de dix ans d´expérimentation et de concerts.
Il semble bien que Boris de Larochelambert soit habité d´un véritable et professionnel amour de la musique lorsqu´il conclut:
-L´ornementation et les cadences dans ces trios de Haydn sont incroyablement libres et extrêmement stimulantes pour l´improvisation, c'est toujours une prise de risque mais le plaisir en est redoublé!